Le notaire, une charge d'utilité publique. (2)
A l’image du tabellion et du greffier, le notaire était un scribe, public ou privé selon les époques, mais dont la tâche restait immuable : prendre des notes en caractères abrégés d’actes et de contrats, de jugements et de sentences.
Mais dont les responsabilités évoluèrent en France au cours des siècles, passant du rôle de simple clerc à celui d’officier ministériel nommé par le ministre de la Justice que nous connaissons aujourd’hui.
Des étapes décisives.
C’est en 1597 que le bon roi Henri IV supprima les charges de tabellions, gardes-notes et autres garde-scels, les trois offices étant alors réunis en un seul, celui de notaire qui par ailleurs, se vit attribuer la détention du sceau de l’Etat ; même si le vocable tabellion resta en vigueur quelque temps dans certaines juridictions provinciales pour désigner le notaire du village.
Pour parvenir à un notariat efficace et national, il fallut encore trois étapes, décisives. D’abord quand François Ier institua le tabellionnage pour conserver actes et scels au siège de chaque juridiction ; les actes devant être rédigés en français et non plus en latin (ordonnance de Villers-Cotterêts qui imposait l’usage de la langue nationale dans tous les documents relatifs à la vie publique du pays) et leur conservation assurée. Puis, quand on procéda à la réunification des divers types de notaires en une institution royale unique. Enfin, à la fin du XVIIe siècle, quand fut établie l’obligation de déclarer tous les actes à un bureau de contrôle. La fiscalité reprenait alors tous ses droits !
Une profession qui déroge à la noblesse.
Sous l’Ancien régime, pour être notaire, il fallait bien sûr se montrer éduqué, voire savant, ce qui pouvait intéresser certains aristocrates, sur le modèle de l’oligarchie romaine quand Auguste leur avait accordé le droit d’anneau d’or réservé au nobles. Une charge qui leur fut d’ailleurs réservée en France jusqu’à une certaine époque mais qui ne conférait pas pour autant un quelconque titre nobiliaire. Ce que démontra, en 1666, la grande enquête sur la noblesse lancée par Colbert, soucieux d’accroître les rentrées fiscales, notamment la taille dont étaient exempts les nobles. Ce qui lui permit d’exclure les notaires en plaçant la profession au nombre de celles qui dérogeaient à la noblesse, forçant ainsi les vrais nobles exerçant le métier de notaire à l’abandonner aux roturiers.
Un fonctionnaire public.
La Révolution simplifia toutes les charges en ne reconnaissant plus qu’une seule catégorie de notaire, ni seigneurial, ni royal ni ecclésiastique mais fonctionnaire public, éliminant au passage les incapables notoires ainsi que les charges créées par complaisance sous l’Ancien Régime. Et c’est d’ailleurs par une loi du 25 ventôse de l’an XI (16 mars 1803), merci Bonaparte, que le notariat fut organisé tel que nous le connaissons à notre époque moderne en décrivant avec précision ses fonctions, son régime juridique et, accessoirement, le nombre de charges autorisées. Des notaires qui seront rapidement nommés par l’empereur sur présentation de leur prédécesseur, ce qui en fit une charge transmissive, finalement fort similaire à ce qui préexistait sous la monarchie.
Un devoir de conseil et de responsabilité.
S’ajouteront à ces fonctions celles du devoir de conseil et de la responsabilité professionnelle, ce qui ne fut pas une mince affaire puisque, à partir de 1860 environ, le notaire se dut d’assumer, au même titre que les parties en présence, les éventuelles conséquences des actes dont il était signataire. Enfin, en 1945, le Conseil supérieur du notariat fut créé, le notaire devint officier public (et non plus fonctionnaire public) et, dix ans plus tard, se vit conférer le monopole de l’authenticité des actes publiés au bureau des hypothèques.
Une profession menacée.
Avec plus de neuf mille notaires encadrés par un numerus clausus, des émoluments décrétés par l’Etat, et un monopole sur les actes concernant l’immobilier, la profession est pourtant aujourd’hui mise à mal, voire menacée. D’abord par le puissant Ordre des avocats qui aimerait, justement, casser le monopole de fait des notaires. Ensuite par la technocratie européenne soudainement éprise de rationalisation interétatique. Reste à démontrer, le cas échéant, que le service rendu à la population n’y laissera pas quelques plumes…
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