La cloison, le mur du pauvre ?
Cette séparation intérieure d’un bâtiment a recouvert tant de types de construction et de matériaux différents qu’elle ne se distingue pas forcément du mur, que ce soit dans l’architecture moderne ou ancienne, en tout cas pour le néophyte que nous sommes tous, peu ou prou.
Mais le distinguo entre ces deux vocables va bien au-delà de la sémantique car de leur confusion peut naître une véritable catastrophe, à savoir l’effondrement de l’édifice dont on aurait confondu cloison et mur ! Prenons donc le temps de suivre l’évolution de l’un et l’autre de ces vocables au cours des âges.
Etymologiquement, « cloison » nous vient du latin populaire clausio, lui-même dérivé de clausus, le participe passé du verbe clore en latin. Rien que de très logique, donc, même si aujourd’hui on entendra davantage, dans ce mot, une notion de séparation que de fermeture.
Cloisonner son intérieur.
Même si le commun des mortels ne se préoccupait guère, aux temps jadis, de distribution des pièces à l’intérieur de son habitat, la cloison a consubstantiellement accompagné toutes les formes d’architectures, même les plus sommaires. A l’intérieur de la cabane ou de la hutte, dans la fermette ou la villa patricienne, on se devait de séparer à tout le moins les animaux des humains sans pour cela s’investir dans la construction d’un véritable mur.
Au Moyen-Age, les cloisons, qu’on utilisait davantage pour séparer les chevaux à l’intérieur d’une écurie que dans sa maison, se constituaient de quelques planches empilées puis obstruées par une maçonnerie de mortier. Il fallait simple et économique. Et il faudra attendre le début du XIXe siècle pour que la cloison prenne tout son intérêt, la notion d’appartement s’imposant tout comme l’idée de distribution des pièces d’intérieur. On utilisa alors différents matériaux dont la brique, des moellons, du plâtre et même parfois, pour le rez-de-chaussée, la pierre de taille.
Le mur.
Emprunté directement au latin murus, de même sens, le mur est un terme générique utilisé pour décrire toutes sortes de parois, qu’elles déterminent la surface d’une maison ou protège un terrain voire une ville. Dans l’Antiquité, les Egyptiens n’éprouvaient aucun besoin de bâtir des murs pour se protéger, ils ne craignaient pas les invasions, contrairement aux cités grecques, généralement murées, imitées en cela par les Etrusques puis par les Romains. Desquels nous hériterons la locution « hors les murs » qui signifie « en dehors de la cité » tout comme intra muros précise une situation dans la ville même.
Le passe-muraille.
En France, tout au long des siècles, on a indifféremment parlé de murs ou de murailles même si le mur désignait plutôt un ouvrage de maçonnerie tandis que la muraille s’appliquait à une sorte d’édifice, de très gros murs, fortifications d’une ville ou d’un château. Une règle bien peu observée, finalement, puisqu’on évoquera aussi bien la Muraille de Chine et les Murailles de Jéricho que le Mur d’Hadrien chère à Marguerite Yourcenar ou le Mur des Lamentations à Jérusalem. Il semble donc difficile, en l’espèce, d’établir de façon formelle une distinction entre les deux termes même s’il ne viendrait à l’idée de quiconque d’évoquer les murailles de sa maison…
Entre quatre murs.
Si on fait abstraction des types de mur qui ne font pas partie intrinsèque d’un bâtiment (murs de soutènement, d’appui, de clôture) et les nombreuses déclinaisons qui appartiennent au jargon des architectes et qui n’intéressent pas le profane que nous sommes, on en trouve donc trois types dont l’intitulé devrait suffire à comprendre leur emploi : le mur de soubassement (ou de fondation si aucune cave n’a été prévue) qui est, par définition, enterré ; le mur de façade (qui délimite le volume d’un bâtiment et qu’on appelle « portant » car il soutient la toiture et les étages) ; et enfin le mur intérieur plus communément qualifié de refend ou porteur.
Au pied du mur.
Pour résumer, la cloison se construit en matériaux généralement légers et ne participe en rien à la solidité de la bâtisse. Autrement dit, élément pratique voire esthétique d’un habitat, elle peut être détruite, partiellement ou en totalité, sans que cela ne nuise à la construction.
En revanche, s’il ne viendrait à l’esprit de quiconque de casser un des murs portants, la question pourrait légitimement se poser pour certaines parois intérieures qu’il ne faudrait, sous peine de désastre, confondre avec une cloison. En effet, ces murs, dits de refend, sont tout aussi porteurs que les murs… portants, dont la modification, même fragmentaire, entraînerait des dégâts considérables. Moralité, dans le doute, abstiens-toi, répétait Pythagore à qui voulait l’entendre, une maxime que vous devriez faire vôtre en l’espèce. Et ne pas hésiter à faire appel à un architecte, le cas échéant.
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