La cabane, un habitat exotique ? (3)
Qu’elles soient issues de nos colonies ou soi-disant apparentées à la vie de nos bons sauvages, les appellations exotiques pour qualifier de simples cabanes ne manquent pas. Où il apparaîtra que ce que nous croyons venus du bout du monde, parfois, présente des racines lointaines, certes, mais temporelles et non géographiques !
Evidemment, nous avons éludé toutes les versions internationales comme le wigwam ou le tipi de l’indien et autres yourtes à la mode sans parler de l’igloo cher à l’esquimau.
La hutte.
C’est à la seconde moitié du XIVe siècle qu’apparaît le vocable hutte qui décrit alors une cabane en bois, un terme emprunté au francique hutta de même sens, et qu’on écrivait hute avant le XVIIIe (d’ailleurs, cabane se dit hütte en allemand aujourd’hui).. Et même si certains mauvais esprits pourraient laisser croire que c’est l’équivalent exotique de notre cabane mais cette fois chez les sauvages, rien n’est moins sûr car le vocable semble courant dans l’ensemble du territoire français, la toponymie de certains lieux en faisant foi.
D’ailleurs, dans la première édition du dictionnaire de l’Académie français, en 1694, il est dit qu’on appelle hutte le petit logement (on disait loge) des soldats. Par la suite, certainement plus conforme avec la réalité rurale, le terme fut attribué à l’habitat des bergers ou des pauvres paysans. Une cabane faite de bois, de terre, de paille, bref de matériaux bon marché et accessibles pratiquement partout. Evidemment, nos amis chasseurs s’en sont fait une spécialité pour chasser canards et autres palombes.
La cahute.
Un mot qu’on retrouve également sous la graphie chahute et dont l’origine se montre incertaine bien qu’elle soit attestée depuis le XIIe siècle. Selon les régions, elle se mue en cahuette ou cahutelle, ce que confirme un dictionnaire étymologique de 1749 qui précise que cahute appartiendrait plus précisément à la basse Normandie. Dont acte. Alors, s’agit-il d’une cabane ou d’une hutte, voire du mélange des deux, difficile de trancher…
Le carbet.
Autre déclinaison de la hutte, le carbet est typique des Caraïbes, probablement d’origine amérindienne, un mot qui n’apparaît que tardivement dans le langage métropolitain. Ainsi, dans le Littré, on peut lire que c’est une grande case de sauvages aux Antilles ! La case, cet autre terme dépréciatif aujourd’hui car fortement connoté colonialiste (il est vrai qu’il apparaît aux beaux temps des colonies dans la langue française même si casa ou case existaient dans le latin médiéval dans son sens latin de maison) avec son chapelet de mépris pour cet habitat africain, rudimentaire certes, mais qui semblait bien correspondre aux modes de vie locaux.
Accessoirement, le carbet est aussi une simple toiture pour abriter des embarcations et, pour l’anecdote, rappelons qu’en 1502, au cours de son quatrième voyage vers les Amériques, Christophe Colomb « découvrit » la Martinique dans un lieu aujourd’hui baptisé Le Carbet.
La paillote.
Encore un mot à l’origine apparemment coloniale pour désigner une hutte en paille (que ce soit les murs, le toit, ou les deux) et, accessoirement, un chapeau ou une toile de paille. Un vocable peut-être emprunté au portugais palhota, de même sens, même si le radical paille semble parler de lui-même dans notre langue et que paillette se disait paillotte en vieux français. Un exotisme pas forcément avéré, donc.
Le gourbi.
Un terme évidemment emprunté à l’étranger (à l’arabe gurbi en l’occurrence) mais qui a eu le bonheur d’être francisé d’une part et adopté par les Français d’autre part, à moins que ce ne soit le contraire. Une cabane en tout cas, hutte typique d’Afrique du Nord et plus précisément d’Algérie. Aujourd’hui le vocable revêt une connotation péjorative certes, mais a fort heureusement perdu toute trace de mépris colonialiste.
La cagna.
Dans le même esprit, la cagna, un mot argotique qui nous vient directement de l’armée, décrivait à l’origine un abri de tranchée, généralement en sous-sol. Avec un soupçon d’exotisme puisque le terme est emprunté au Tonkin, à la Cochinchine bref au Vietnam où il désigne une baraque quelconque, une cabane. Et que les colons, de retour au pays, ont plaisamment utilisé pour déprécier un habitat..
Vous aurez compris qu’il aurait fallu un livre entier pour relever tous les types de cabanes que notre pays, chargé d’une longue histoire, a pu connaître. Il n’était donc pas question ici de les lister toutes mais simplement de rappeler l’origine des plus connues. Que les mortifiés par mes inévitables oublis me pardonnent.